mardi 27 août 2024

De la guerre génocidaire à Gaza

"Dix mois après l'attaque du Hamas, dix mois après le début de l'offensive israélienne, que reste-t-il de Gaza? Un nouveau bilan, probablement sous-évalué, fait état de 40 000 morts dans l'enclave palestinienne, écrasée sous les bombes. Des dizaines de milliers de déplacés survivent dans des camps de fortune, et rien ne semble entraver la fuite en avant du pouvoir israélien, qui continue d'affirmer à la face du monde que le siège de Gaza a pour seul but d'extirper le Hamas de la société gazaouie. Face aux images de dévastation qui nous parviennent chaque jour, le débat continue: est-ce un génocide? Notre invité est l'un des premiers à l'avoir théorisé, en décembre 2023, dans une analyse parue sur le site d'Orient XXIZiad Majed est politologue, professeur à l'Université américaine de Paris, spécialiste du Moyen-Orient".

Pour visionner la discussion, vous pouvez visiter le site d'Arrêt sur Image.

mercredi 7 août 2024

Niqabs, moustaches et liberté

Dans cette exposition, Farès Cachoux nous invite à découvrir plusieurs dimensions ou plusieurs versions d'une même réalité, d'une même expérience: celle des femmes que l'on tente d’invisibiliser dans des sociétés (du Golfe ou de la péninsule arabique) pourtant très voyantes et mondialisées.

L'artiste nous interpelle avec des «portraits» fascinants qui ne révèlent que les yeux des femmes en question. Sont-elles toutes les mêmes? Comment se définissent-elles en tant qu'individues dans les sociétés de consommation les plus "dynamiques" du monde quand leurs sourires, leurs rides et même leurs corps, qui constituent leurs identités, sont ainsi effacés et enveloppés dans une étoffe noire, celle-là même qui recouvre les différences et les imperfections? 

lundi 5 août 2024

Israël-Hamas: la clé de la paix réside ­­dans l’après-Nétanyahou

Dans un entretien au «Monde», le géopoliticien Frédéric Encel estime que seul le retour de l’Autorité palestinienne à Gaza pourrait constituer un gage d’apaisement. ­Pour le politiste Ziad Majed, les Etats-Unis et le reste de «la communauté internationale» peuvent faire bouger les choses en utilisant les bons outils.

Propos recueillis par Michel Lefebvre et Gaïdz Minassian

Le 7 octobre 2023 a provoqué un séisme dans la région et au-delà. Comment en est-on arrivé là?

Frédéric Encel: Ce gigantesque pogrom, cet acte barbare et antisémite visait non seulement des juifs en tant que tels, mais aussi un projet – conforme à la Charte originelle du Hamas – consistant à les délégitimer et à les animaliser... Ce massacre a été perpétré par un mouvement islamiste radical, issu de la mouvance extrémiste des Ikhwan, les Frères musulmans, confrérie antisémite, homophobe et misogyne à incandescence qui aurait pu se contenter de commettre un coup de force militaire. Après tout, Israël est considéré comme une puissance occupante, même si à Gaza on peut toujours en débattre. Or, le Hamas ne s’est pas contenté d’une opération militaire, mais il a perpétré un véritable carnage sur des civils, qu’il assume du reste, même de manière fluctuante. Enfin, il a toujours cherché à casser toute possibilité de promotion de l’Autorité palestinienne (AP), qui, en droit international, est la seule entité à représenter le peuple palestinien, puisque le Hamas a tout fait pour torpiller, en même temps que l’extrême droite israélienne, les accords d’Oslo de 1993, par, déjà, des attentats très meurtriers dans les ­quartiers exclusivement juifs des cités israéliennes.

Ziad Majed: Politiquement, le 7 octobre a forcé un retour de la question palestinienne sur la scène internationale. Sur le terrain, une description des attaques du Hamas permet de dire qu’il y avait deux phases. La première, légitime, celle de l’attaque contre des positions militaires israéliennes qui imposent un blocus contre Gaza depuis 2007. La seconde comprend des crimes de guerre, puisque ciblant des civils en tant que tels. Par ailleurs, je pense que parler d’antisémitisme comme motif principal des attaques occulte le contexte, le droit international, et ne permet pas de comprendre l’évolution de ce que l’on appelle «conflit israélo-palestinien», d’autant plus que le 7 octobre n’est ni le début de ce conflit ni sa fin.

Où en sommes-nous aujourd’hui?

F. E.: Par un faux paradoxe lié aux guerres asymétriques dans lesquelles, en principe, la puissance dominante finit par être ­politiquement la perdante, le Hamas va perdre la guerre car il est seul. Les régimes modérés arabes ne veulent pas du Hamas ni des Frères musulmans, et ni Pékin ni Moscou ne le soutiennent sérieusement. Au Moyen-Orient plus qu’ailleurs, s’affaiblir militairement, c’est de manière mécanique s’affaiblir aussi politiquement. Et, de ce point de vue-là, Israël a décidé d’en finir avec le Hamas, avec lequel le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a été complaisant depuis son retour au pouvoir en 2009, incitant un Qatar ambigu sinon duplice à le financer généreusement. Il a cru ainsi pouvoir concomitamment émollier le Hamas et affaiblir l’AP. Cette politique du pire a échoué. Or, en rejetant le retour de l’AP à Gaza, Nétanyahou s’inscrit dans la pensée magique, car, d’une part, la grande majorité des Israéliens ne souhaitent pas réoccuper Gaza, et, d’autre part, aucun gouvernement arabe ne prendra le risque d’envoyer ses soldats occuper la zone en arrivant a fortiori dans les fourgons de Tsahal, l’armée israélienne ! Donc, qui ira ?

Z. M.: Il y a trois objectifs israéliens dans cette guerre. Les deux premiers sont annoncés par le gouvernement Nétanyahou – anéantir le Hamas et libérer les otages. Le Hamas est certes affaibli, mais loin d’être anéanti. Quant aux otages, la seule libération importante qui a eu lieu jusqu’à présent a été négociée dans le cadre d’une trêve et d’un échange de « prisonniers ». Le troisième objectif israélien, non annoncé par le gouvernement mais par plusieurs responsables et surtout exécuté par l’armée, est la destruction des conditions de vie à Gaza (espaces urbains, habitats, infrastructures, sources d’eau, champs agricoles, hôpitaux, écoles, universités, etc.), afin que la zone ne soit plus habitable, poussant ainsi à moyen terme le plus grand nombre possible de Palestiniens à ­partir. Cela s’inscrit dans une stratégie israélienne de ­changement démographique en Palestine. Car, en parallèle, la politique de colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est occupés s’intensifie depuis des années, et les confiscations de terres et attaques des colons épaulés par l’armée contre les personnes et les biens deviennent un quotidien. L’objectif étant, là aussi, de morceler le territoire, d’imposer plus de colons et donc de modifier l’espace et sa démographie.