mercredi 17 avril 2024

Iran–Israël: Une escalade en forme de poker menteur

L’attaque de l’Iran contre Israël dans la nuit du 13 au 14 avril est venue en réponse au bombardement de son consulat à Damas le 1er avril qui a fait 16 morts, dont des officiers des Gardiens de la révolution. Cette opération soulève plusieurs questions sur la stratégie de Téhéran et de ses alliés dans la région, mais aussi de la Jordanie, ainsi que sur le degré d’autonomie d’Israël par rapport au parapluie américain.

samedi 6 avril 2024

Vivre avec le génocide

Chaque jour depuis six mois, environ 200 enfants, femmes et hommes palestiniens (en moyenne) sont tués par l'armée israélienne à Gaza.

Chaque jour depuis six mois, des maisons, des écoles, des hôpitaux, des ambulances, des universités, des usines, des boulangeries, des magasins, des marchés et des terres agricoles sont bombardés, brûlés ou pillés.

La mort plane sur Gaza comme un nuage sombre, comme un monstre légendaire. Nous la regardons, nous vivons avec elle, nous recevons sur nos écrans les images et les cris de ses victimes. Les atrocités, l'agonie et les larmes deviennent des notifications sur nos réseaux sociaux et des nouvelles que nous regardons en buvant un café, en travaillant, en faisant nos courses ou en attendant le beau temps.

C'est comme si nous nous étions habitués à assister en direct à un génocide à quelques heures de chez nous. Comme si ce que nous voyons était annoncé, un déjà-vu. Et même si nous en sommes conscients et accablés, tout ce que nous pouvons parfois faire c’est de retarder le démarrage de nos ordinateurs ou d'éteindre nos téléphones portables, pour interrompre la diffusion des massacres en cours.

vendredi 5 avril 2024

Living with Genocide

Every day for the past six months, an average of 200 Palestinian men, women and children have been killed by the Israeli army in Gaza.

Every day for the past six months, homes, schools, hospitals, ambulances, universities, factories, bakeries, shops, markets and farmland have been bombed, burned or looted.

Death hangs over Gaza like a dark cloud, like a legendary monster. We see it, we live with it, we receive on our screens the images and the cries of its victims. The atrocities, the agony and the tears become notifications on our social networks and news that we watch while drinking coffee, working, shopping or waiting for good weather.

It's as if we've become accustomed to witnessing live genocide just a few hours from home. It's as if what we're seeing is a foretaste, a déjà vu. And even though we're aware of it and overwhelmed by it, sometimes all we can do is delay starting our computers or turn off our cell phones to interrupt the broadcast of the massacres in progress.

mardi 2 avril 2024

«Zone d'intérêt» entre la Palestine, la Syrie et la condition humaine

Le film Zone d'intérêt du réalisateur britannique Jonathan Glazer, lauréat de l'Oscar de cette année, a suscité une vive controverse parmi les écrivains et les professionnels de la culture et du cinéma en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Non en raison de son contenu, de sa cinématographie ou de la construction de ses personnages, mais à cause des propos tenus par son réalisateur dans son discours à la cérémonie des Oscars.

Glazer a déclaré que la compréhension de son film ne se réduit pas seulement au traitement du passé ou des atrocités historiques, mais s’inscrit aussi dans le contexte de ce qui se passe à Gaza aujourd'hui. Il a exprimé son rejet de l’instrumentalisation de l' « Holocauste » pour justifier les guerres en cours, la déshumanisation et la perpétration de crimes.

En réponse à son discours, plus d'un millier de personnalités du cinéma s'identifiant comme juives ont rejeté l’analogie qu'il aurait – selon elles - faite entre l'Holocauste et la guerre en Palestine depuis le 7 octobre 2023.

Par ailleurs, des intellectuels et des organisations juives progressistes ont défendu Glazer, estimant que le refus de confronter le passé au présent et la confiscation de la mémoire de l'« Holocauste » ne sont rien d'autre que des tentatives de dissimulation des crimes et de la « guerre génocidaire » menée par Israël contre les Palestiniens.

Naomi Klein, journaliste et universitaire féministe canadienne, a écrit un article percutant dans The Guardian dans lequel elle évoque l'habituation des gens à vivre près du génocide dont ils savent qu’il est en train de se produire. Comme le montre le film, seul un mur les sépare de son horreur. Elle interpelle sur le fait qu’aujourd'hui, nous soyons à quelques murs de Gaza, où des actes de génocide se produisent depuis près de six mois, sans que personne n'intervienne pour les faire cesser.

dimanche 24 mars 2024

The "Zone of Interest" between Palestine and Syria and the human condition

 The film "Zone of Interest" by the British director Jonathan Glazer, winner of this year's Oscar, has caused considerable controversy among writers and professionals in the fields of culture and cinema in Britain and America. Not because of its content, cinematography, or character construction, but because of what its director said when he received the Oscar.

Glazer (who is Jewish by birth) stated that the understanding of his film is not only achieved by dealing with the past or historical atrocities, but also by viewing it in the context of what is happening in Gaza today. He expressed his rejection of the use of the "Holocaust" to justify ongoing wars, dehumanization, and the perpetration of crimes.

In response, more than a thousand cinema personalities who identified themselves as Jewish rejected the comparison they said he made between the Nazi Holocaust and the war in Palestine since October 7, 2023.

On the other hand, intellectuals and progressive Jewish organizations defended Glazer, arguing that the refusal to confront the past with the present and the attempt to confiscate the memory of the "Holocaust" are nothing but attempts to hide the crimes and the "genocidal war" waged by Israel against the Palestinians.

Naomi Klein, the Canadian feminist journalist and academic, wrote a powerful article in The Guardian in which she compared people's habit of living close to the genocide they know is happening (separated from its horror by a wall), as depicted in the film, with our lives today, just a few walls away from Gaza, where acts of genocide have been occurring for almost six months now, yet no one has intervened to stop them.

mardi 27 février 2024

The Selfie of Extermination

A vision of horror emerges from this photograph.

Taken by Tsafrir Abayov on February 19, 2024, it shows a group of female Israeli soldiers taking a selfie in front of the macabre rubble of a pulverized neighborhood in the Gaza Strip.

On his Instagram page, the photographer didn't specify the exact location of the shot. But thanks to his “neutral” presentation of this extraordinarily violent image, we know it came from northern Gaza. He hashtagged it, used Israeli military terminology, referred to the "gendered" identity of military personnel, and, of course, specified his camera type, lens size, and sensitivity level.

The absence of a location on this photo, and on another equally gruesome series that followed in the same photographer's album, is likely related to Israeli army censorship orders. It may also be due to negligence on his part. Finally, it may be that the scale of destruction in Gaza is such that taking a selfie in front of the ruins of its cities and refugee camps has the same connotation and meaning: "We photograph and smile for the lens, revealing what we have done to the places and houses. All that remains are the ghosts of those who disappeared after a massacre or deportation”.

lundi 26 février 2024

Le Selfie de l’extermination

De cette photographie se dégage une vision d’horreur.

Prise le 19 février 2024 par Tsafrir Abayov, elle capture un groupe de soldates israéliennes prenant un selfie devant les décombres macabres d'un quartier pulvérisé dans la bande de Gaza.

Sur sa page Instagram, le photographe n'a pas précisé le lieu exact de la prise. Mais nous savons, grâce à la présentation froide qu’il fait de cette image extraordinairement violente, qu'elle provient du nord de Gaza. Il l'a hashtaguée, utilisé la terminologie militaire israélienne, fait référence à l'identité «genrée» du personnel militaire et, bien sûr, spécifié son type d'appareil photo, la taille de l'objectif et le niveau de sensibilité.

L'absence de localisation sur cette photo, et sur une autre série tout aussi horrible qui a suivi dans l'album du même photographe, est probablement liée aux ordres de censure de l'armée israélienne. Il peut s'agir également d'un oubli ou d'une négligence de sa part. Il se peut enfin que l’étendue de la destruction de la bande de Gaza soit telle que la prise d’un selfie devant n’importe quelle ruine de ses villes et de ses camps de réfugiés ait la même connotation et la même signification: «Nous photographions et sourions pour l'objectif, tout en dévoilant ce que nous avons fait des lieux et des maisons. Il ne reste derrière nous que les fantômes de ceux qui ont disparu à la suite d'un massacre ou d'une déportation».

samedi 24 février 2024

Interview sur l'impunité israélienne et sur la guerre à Gaza

Ziad Majed, politiste et écrivain libanais, intellectuel de gauche et fin connaisseur du dossier palestinien, est professeur universitaire à Paris. Il partage aujourd'hui avec Le Matin d'Algérie ses réflexions sur Gaza et la Palestine, mettant l'accent sur l'universalité du droit international, un sujet qu'il a largement développé dans ses écrits et ses interventions politiques.

Le Matin d’Algérie: Pour commencer, pouvez-vous définir la notion d’«impunité» dans le contexte des sciences politiques?

Ziad Majed: L'impunité des gouvernements et des États peut être définie comme le phénomène par lequel des dirigeants politiques ou des entités étatiques échappent à toute forme de sanction ou de responsabilité juridique pour leurs actions, lorsqu'elles sont contraires aux lois et au droit.

Les gouvernements ou les États peuvent bénéficier de l'impunité pour diverses raisons, notamment le contrôle qu'ils exercent sur les institutions judiciaires, l'influence qu'ils exercent sur les médias ou la protection par des puissances étrangères qui limitent les possibilités de poursuites juridiques internationales. L'impunité peut ainsi conduire à des violations des droits humains, à des abus de pouvoir, à la corruption et à de nombreux autres actes répréhensibles sans que les auteurs ne soient tenus de rendre des comptes.

En ce sens, l’impunité caractérise les régimes despotiques ou ceux où les élites sont au-dessus de la loi. Elle instaure une culture politique où tout est permis pour les privilégiés à condition qu’ils soient proches du pouvoir.

Dans les relations internationales, elle permet la violation sans crainte des droits humains, du droit international humanitaire et des conventions signées par la plupart des pays pour établir des mécanismes de punition des contrevenants.

lundi 12 février 2024

Riad Al-Turq: Le gardien de l'espoir

Mesdames, Messieurs, chères Khozama et Nisreen,

Chers camarades,

Qu'est-ce qui fait que nous soyions aujourd'hui, Syriens, Palestiniens, Libanais et Français, réunis pour honorer un nonagénaire parti il y a quarante jours ?

Est-ce le respect que nous portons à sa vie et à son combat légendaire pour la liberté, cette cause qu'il a refusé de concéder ni de compromettre sur son droit à l’arracher ?

Est-ce la ténacité extraordinaire et le courage qui ont caractérisé son quotidien en prison et hors de prison, alors qu'il vivait la torture, l'oppression et la tyrannie dans sa chair ?

Est-ce notre amour commun pour nos pays déchirés, dont les peuples vivent, à Homs, Daraya, Daraa, Alep, Gaza, Khan Younis, Jenin, Sanaa, Bagdad et Beyrouth un rare niveau de cruauté ?

Est-ce l'espoir toujours nourri par notre grand défunt, même dans les moments les plus sombres, que la Syrie ne resterait pas le royaume du silence ?

Ou est-ce cette vulnérabilité si humaine qui transparait malgré une volonté de fer, qui réfléchit en miroir l’image de nos pères, nous donnant à voir leur force, leurs hésitations, leur tendresse, leurs maladresses et finalement leurs corps ployant sans jamais fléchir sous le poids des années et des horreurs ?

Nous sommes ici, me semble-t-il pour toutes ces raisons à la fois. Riad al-Turk nous a tous et toutes marqués, quelle que soit notre proximité personnelle avec lui.

mercredi 7 février 2024

Gaza, the world and us

Since October 8, 2023, we have been witnessing the deadliest and most brutal war ever documented and broadcast live. In 15 weeks, more than 30,000 Palestinians have been killed by the Israeli army (60% of them children and women), and more than 80% of the population of 2.2 million Gazans, besieged on 360 km2 and already victims of 4 wars and a long blockade (since 2007), have been displaced and crammed into the southern part of the devastated territory[1].

The figures, reports, videos and testimonies published and regularly updated by the various UN agencies, humanitarian and human rights organizations, as well as by the brave Palestinian journalists and photographers on the ground, show us the suffering, the famine, the destruction of homes and infrastructure, the cuts in water, fuel and electricity, the inhuman sanitary conditions and the ordeal of the sick, the wounded, the amputees, treated with makeshift means and operated on without anesthesia.

vendredi 2 février 2024

Gaza, le monde et nous

Nous vivons depuis le 8 octobre 2023 la guerre la plus meurtrière et la plus brutale jamais documentée et transmise en direct. En 15 semaines, plus de 30.000 palestiniens ont été tués par l’armée israélienne (60% des enfants et des femmes), et plus de 80% de la population de 2,2 millions de gazaouis assiégée dans 360 km2, déjà victime de 4 guerres et d’un long blocus (depuis 2007) se trouve déplacée, et entassée dans la partie sud du secteur dévasté[1].

Les chiffres, récits, vidéos et témoignages publiés et mis à jour régulièrement par les différentes agences onusiennes, les organisations humanitaires et des droits humains de même que par les braves journalistes et photographes palestiniens sur place, nous montrent la souffrance, la famine, les destructions des habitations et infrastructures, les coupures d’eau, de carburant et d’électricité, les conditions sanitaires inhumaines et le calvaire des malades, blessés, amputés, traités avec des moyens de fortune et opérés sans anesthésie.

Pendant ce temps, en occident, les gouvernements et une majorité de chaines de télévision, ont décrété que cette tragédie était un dommage collatéral d’une guerre «de légitime défense» qu’Israël mène à la suite des attaques meurtrières du Hamas le 7 octobre.