dimanche 11 mai 2014

Regarder le régime syrien en face

L’une est journaliste, l’autre chercheur. À eux deux, ils tentent d’éclairer avec pédagogie la boîte noire syrienne (l’expression est de l’écrivain Yassin Al-Haj Saleh).
En ce printemps 2014, Hala Kodmani et Ziad Majed publient deux ouvrages, aux éditions Actes Sud.
Dans La Syrie promise, la journaliste franco-syrienne donne à lire un long dialogue par courrier électronique avec son père, diplomate syrien contraint à l’exil à la fin des années 1960. Un échange sur la nature du régime de Bachar al-Assad et l’histoire de la société syrienne, à mesure que la révolution s’étend à tous les pays et que Hala Kodmani se rend régulièrement en Syrie.
« C’est parce que la communauté internationale, nous dit Ziad Majed, et je parle ici surtout de l’Occident, n’était pas suffisamment ferme par rapport au régime syrien, que les Iraniens et les Russes ont compris que leur marge de manœuvre était très importante, et que leur détermination allait le maintenir. » Avec Syrie, la révolution orpheline, le politologue libanais revient en détail sur les étapes de la construction du régime, puis de la révolution syrienne. Il rappelle notamment que la révolution et les coordinations mises en place par les manifestants dès le mois de juin 2011 étaient centrées « sur la nécessité d’une transition vers un régime démocratique et sur le rejet du communautarisme et de l’esprit de vengeance », face à un régime et une armée qui vont jusqu’à exécuter d’une balle dans la tête les soldats qui refusaient de tirer sur la foule de manifestants. Trois ans plus tard, alors qu’Assad se présente à une parodie d’élection présidentielle le 3 juin, que faire pour sortir la Syrie de cette double barbarie du régime et de l’ignorance internationale et diplomatique où elle se trouve aujourd’hui plongée ?
Entretien | Pierre Puchot, Mediapart.fr

dimanche 4 mai 2014

Entretien sur La Syrie dans "Les clés du Moyen-Orient"

Comment expliquez-vous l’indifférence et le silence d’une grande partie de la sphère intellectuelle sur la crise syrienne ?

Ziad Majed: Je pense qu’il y a plusieurs raisons : le déclin des valeurs universelles et l’isolationnisme qui gagne de plus en plus vu les crises économiques et la montée en puissance des approches culturalistes ; les théories de complot qui occultent les visages des Syriens et les remplacent par des considérations géostratégiques ou des analyses naïves sur la laïcité du régime Assad et l’islamisme de ses opposants ; et il y a surtout une volonté de prétendre que « le conflit en Syrie est aujourd’hui entre deux barbaries : celle des Assad et celle des jihadistes, et qu’il faut donc éviter d’intervenir ».
Tout cela contribue à l’indifférence que nous découvrons, et aux hésitations politiques qui ne font que prolonger le calvaire des Syriens et qui finiront par renforcer deux barbaries qui peuvent très bien coexister : celle des Assad et celle des jihadistes.
Nous sommes aujourd’hui face à des crimes contre l’humanité commis par un régime en toute impunité. Nous sommes face à une production de la mort à une échelle industrielle, et le silence n’est qu’une lâcheté, une honte.