vendredi 4 janvier 2013

Le Hezbollah n’est plus ce qu’il était

Le parti chiite libanais, qui était devenu une voix des opprimés arabes, ne fait plus recette. Les révolutions l’ont renvoyé à ses origines : un mouvement confessionnel d’un petit pays de la région.

Le Hezbollah est confronté à un problème d’importance depuis le début des révolutions arabes. Cela dépasse la perte du maillon syrien qui lui permettait de s’approvisionner [par voie terrestre] auprès de l’Iran, son principal fournisseur d’armes et bailleur de fonds. Cela dépasse également le fait que les divisions de la société libanaise l’empêchent d’étendre son influence au-delà de la communauté chiite et le réduit à n’être que le parti majoritaire de cette communauté.

La véritable source du problème est que son influence revient à son niveau « naturel ». Le Hezbollah avait fini par croire que la bulle médiatique dont il faisait l’objet correspondait à sa réalité. Entre les années 2000 et 2010, en l’absence de perspectives politiques dans le monde arabe, il focalisait sur lui les regards de larges couches de la population des pays de la région, grâce à son apparente différence par rapport aux élites au pouvoir et grâce à son combat contre Israël.

Alors que les Arabes, à travers les révolutions, ont réinvesti la politique, renoué avec les priorités et redécouvert la complexité des choix à faire, le Hezbollah a réagi maladroitement (naïvement) aux révolutions. Il a cru qu’il s’agissait de révoltes contre la politique étrangère [proaméricaine] des régimes et non pas contre la tyrannie, l’oppression et la corruption. Ensuite, il a soutenu telle révolution [Bahreïn] mais pas telle autre [Syrie] selon des critères confessionnels. Cela a considérablement terni son éclat.


Les discours à répétition de son secrétaire général, Hassan Nasrallah, (contraires à sa politique habituelle du « parler rare ») n’y ont rien changé. N’y a rien changé non plus le drone Ayoub [d’origine iranienne que le Hezbollah a lancé au-dessus d’Israël au mois d’octobre 2012], ni les menaces proférées contre l’état hébreux ou encore les insultes adressées à l’Amérique.

Beaucoup d’illusions à son sujet se sont envolées après qu’il a ouvertement exprimé son soutien au régime de Damas alors que coule le sang de dizaines de milliers de citoyens et de révolutionnaires syriens. De même, le fait que le Hamas avait traité la récente guerre dans la bande de Gaza [novembre 2012] d’affaire « interne » des Palestiniens – dont l’arrêt a été coordonné avec des pays arabes [tel l’Egypte] au lieu de l’être avec le Hezbollah, Damas et Téhéran – l’a exclu d’une équation dont il avait toujours prétendu être un acteur de premier ordre. Le parti a beau rappeler qu’il avait fait parvenir des armes à Gaza à travers le Sinaï égyptien, c’est peine perdue : il a épuisé le crédit dont il disposait auparavant.

Ainsi, le Hezbollah est revenu au cours des deux dernières années à la dure réalité : il est un acteur dont l’action s’inscrit dans un des plus petits pays de la région. Sa prétention à être le tuteur des peuples arabes paraît ridicule quand on se rappelle que son public libanais est moins nombreux que les habitants de la ville de Homs, en Syrie, que les manifestants de la place Tahrir, en Egypte, ou que les travailleurs que peuvent mobiliser les syndicats tunisiens.

Ses missiles de fabrication iranienne ne suffisent pas à redresser la situation, ni ses dénonciations de complots, ni ses rodomontades contre Israël. Ceux qui ont repris en main la vie politique dans leur propre pays ne sont plus sensibles à une politique par procuration de la Palestine. Cette dernière est devenue « une cause en soi », et l’évoquer dans le seul but d’imposer le silence et de justifier les massacres ne permet plus de faire taire ceux qui ont soif de liberté…

Ziad Majed
 Article paru dans le Courrier international, N°1157, du 3 au 9 janvier 2013.
Texte original en Arabe, publié dans Now Lebanon, à lire ici.