La frappe iranienne, la guerre israélienne au Liban et à Gaza et la régionalisation du conflit,
avec Mariam Pirzadeh, Carole André-Dessornes et Ziad Majed
La frappe iranienne, la guerre israélienne au Liban et à Gaza et la régionalisation du conflit,
avec Mariam Pirzadeh, Carole André-Dessornes et Ziad Majed
Interview with Ziad Majed[1] in Mediapart, following the Israeli attack on the southern suburbs of Beirut, which killed the Secretary General of Hezbollah and dozens of Lebanese civilians.
Interview by Ilies Ramdani.
Mediapart: What do you think about the assassination of Hassan Nasrallah?
Ziad Majed: There are no red lines for the Israelis. They can kill whoever they want and strike wherever they want. The problem goes beyond the figure of Hassan Nasrallah. There is a state that crosses all boundaries and borders to murder and bomb, often with the complicity of the Western world.
Like many Lebanese, I have always been opposed to Hezbollah for political, cultural and ideological reasons, and over the past decade for its military involvement in Syria at the request of Tehran in support of the criminal regime of Bashar El-Assad. The party has also been accused of carrying out assassinations in Lebanon.
However, it enjoys popular legitimacy within the Shia community, which has been traumatized by successive Israeli invasions of Lebanon since 1978 (five years before the party was founded) and a long history of military occupation of the south (which lasted 22 years), followed by a war in 2006. As a result, Hezbollah has had a seat in parliament since 1992, runs elected municipal councils, holds ministries and runs its own social services.
The assassination on Friday of its secretary-general, Nasrallah, carried
out by Israeli officials who have themselves been accused of crimes against
humanity by the prosecutor of the International Criminal Court and dozens of
human rights organizations, is further proof of the 'exceptionalism' that
places Israel above international law. All the more so as the air raid
devastated an entire residential area on the outskirts of the Lebanese capital,
leaving dozens of civilians trapped under the rubble. Six multi-storey
buildings disappeared because of the power of the bombs.
So a large proportion of the Lebanese people are angry, like the Palestinians who have suffered decades of occupation, colonization and now a genocidal war in Gaza under the passive gaze of the 'international community'.
Interview de Ziad Majed dans Mediapart, suite à l'attaque israélienne contre la banlieue sud de Beyrouth, qui a tué le secrétaire général du Hezbollah ainsi que des dizaines de civils libanais.
Propos recueillis par Ilies Ramdani.
Que
vous inspire l’assassinat de Hassan Nasrallah ?
Il n'y a aucune ligne rouge pour les Israéliens. Ils peuvent tuer qui ils veulent, frapper là où ils veulent. La question dépasse le cadre de la figure de Hassan Nasrallah. Il y a un État qui franchit toutes les limites et les frontières pour assassiner, bombarder, avec souvent de la complicité dans le monde occidental.
J’ai toujours été opposé, comme beaucoup de Libanais, au Hezbollah pour des raisons politiques, culturelles et idéologiques, et au cours de la dernière décennie pour son engagement militaire en Syrie, à la demande de Téhéran, en soutien au régime criminel de Bachar El-Assad. Le parti est également accusé d’assassinats au Liban.
Cependant,
il jouit d'une légitimité populaire au sein de la communauté chiite,
traumatisée par les invasions israéliennes successives du Liban depuis 1978
(cinq ans avant la fondation du parti) et par une longue histoire d'occupation
militaire du sud (qui a duré 22 ans), puis d'une guerre en 2006. Ce qui fait
que le Hezbollah siège depuis 1992 au Parlement, dirige des conseils municipaux
élus, tient des ministères et gère ses propres institutions sociétales.
L'assassinat vendredi de son secrétaire général Nasrallah, mené par des responsables israéliens accusés eux-mêmes, par le procureur de la Cour pénale internationale et par des dizaines d'organisations de défense des droits humains, de crimes contre l'humanité, arrive comme une nouvelle preuve d'un «exceptionnalisme» plaçant Israël au-dessus du droit international. D’autant plus que le raid aérien a ravagé tout un quartier résidentiel de la banlieue de la capitale libanaise, laissant des dizaines de civils sous les décombres. Six bâtiments de plusieurs étages ont disparu tellement les bombes étaient puissantes.
Il y a donc chez une grande partie des Libanais une colère, semblable à celle des Palestiniens qui subissent depuis des décennies l’occupation, la colonisation et désormais une guerre génocidaire à Gaza, sous le regard passif de la «communauté internationale».
Discussion entre Sylvain Cypel et Ziad Majed
sur Blast, le souffle de l'info
Emission sur France 24:
Parlons-en avec Bertrand Besancenot et Ziad Majed
Emission de 28' sur Arte
Avec Frédéric Encel, Amélie Chelly et Ziad Majed
L'émission "Sens Public"
(Public Sénat) avec Alexandra Schwartzbrod, David Rigoulet-Roze et Ziad Majed,
sur la situation politique en Israël, la guerre contre les palestiniens et les
affrontements à la frontière libanaise...
Ziad Majed's interview on France 24 - English, August 30, 2024
"Dix mois après l'attaque du Hamas, dix mois après le début de l'offensive israélienne, que reste-t-il de Gaza? Un nouveau bilan, probablement sous-évalué, fait état de 40 000 morts dans l'enclave palestinienne, écrasée sous les bombes. Des dizaines de milliers de déplacés survivent dans des camps de fortune, et rien ne semble entraver la fuite en avant du pouvoir israélien, qui continue d'affirmer à la face du monde que le siège de Gaza a pour seul but d'extirper le Hamas de la société gazaouie. Face aux images de dévastation qui nous parviennent chaque jour, le débat continue: est-ce un génocide? Notre invité est l'un des premiers à l'avoir théorisé, en décembre 2023, dans une analyse parue sur le site d'Orient XXI. Ziad Majed est politologue, professeur à l'Université américaine de Paris, spécialiste du Moyen-Orient".
Pour visionner la discussion, vous pouvez visiter le site d'Arrêt sur Image.
Dans cette exposition, Farès Cachoux nous invite à découvrir plusieurs dimensions ou plusieurs versions d'une même réalité, d'une même expérience: celle des femmes que l'on tente d’invisibiliser dans des sociétés (du Golfe ou de la péninsule arabique) pourtant très voyantes et mondialisées.
L'artiste nous interpelle avec des «portraits» fascinants qui ne révèlent que les yeux des femmes en question. Sont-elles toutes les mêmes? Comment se définissent-elles en tant qu'individues dans les sociétés de consommation les plus "dynamiques" du monde quand leurs sourires, leurs rides et même leurs corps, qui constituent leurs identités, sont ainsi effacés et enveloppés dans une étoffe noire, celle-là même qui recouvre les différences et les imperfections?
Dans
un entretien au «Monde», le géopoliticien Frédéric Encel estime que
seul le retour de l’Autorité palestinienne à Gaza pourrait constituer un gage
d’apaisement. Pour le politiste Ziad Majed, les Etats-Unis et le reste de «la
communauté internationale» peuvent faire bouger les choses en utilisant les
bons outils.
Propos recueillis par Michel Lefebvre et Gaïdz Minassian
Le 7 octobre 2023 a provoqué un séisme dans la région et au-delà. Comment en est-on arrivé là?
Frédéric Encel: Ce gigantesque pogrom, cet acte barbare et antisémite visait
non seulement des juifs en tant que tels, mais aussi un projet – conforme à la
Charte originelle du Hamas – consistant à les délégitimer et à les
animaliser... Ce massacre a été perpétré par un mouvement islamiste radical,
issu de la mouvance extrémiste des Ikhwan, les Frères musulmans, confrérie
antisémite, homophobe et misogyne à incandescence qui aurait pu se contenter de
commettre un coup de force militaire. Après tout, Israël est considéré comme
une puissance occupante, même si à Gaza on peut toujours en débattre. Or, le
Hamas ne s’est pas contenté d’une opération militaire, mais il a perpétré un
véritable carnage sur des civils, qu’il assume du reste, même de manière
fluctuante. Enfin, il a toujours cherché à casser toute possibilité de
promotion de l’Autorité palestinienne (AP), qui, en droit international, est la
seule entité à représenter le peuple palestinien, puisque le Hamas a tout fait
pour torpiller, en même temps que l’extrême droite israélienne, les accords
d’Oslo de 1993, par, déjà, des attentats très meurtriers dans les quartiers
exclusivement juifs des cités israéliennes.
Ziad Majed: Politiquement, le 7 octobre a forcé un retour de la question
palestinienne sur la scène internationale. Sur le terrain, une description des
attaques du Hamas permet de dire qu’il y avait deux phases. La première,
légitime, celle de l’attaque contre des positions militaires israéliennes qui
imposent un blocus contre Gaza depuis 2007. La seconde comprend des crimes de
guerre, puisque ciblant des civils en tant que tels. Par ailleurs, je pense que
parler d’antisémitisme comme motif principal des attaques occulte le contexte,
le droit international, et ne permet pas de comprendre l’évolution de ce que l’on
appelle «conflit israélo-palestinien», d’autant plus que le 7 octobre n’est ni
le début de ce conflit ni sa fin.
Où en sommes-nous aujourd’hui?
F. E.: Par un faux paradoxe lié aux guerres asymétriques dans lesquelles, en
principe, la puissance dominante finit par être politiquement la perdante, le
Hamas va perdre la guerre car il est seul. Les régimes modérés arabes ne
veulent pas du Hamas ni des Frères musulmans, et ni Pékin ni Moscou ne le
soutiennent sérieusement. Au Moyen-Orient plus qu’ailleurs, s’affaiblir militairement,
c’est de manière mécanique s’affaiblir aussi politiquement. Et, de ce point de
vue-là, Israël a décidé d’en finir avec le Hamas, avec lequel le premier
ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a été complaisant depuis son retour au
pouvoir en 2009, incitant un Qatar ambigu sinon duplice à le financer
généreusement. Il a cru ainsi pouvoir concomitamment émollier le Hamas et
affaiblir l’AP. Cette politique du pire a échoué. Or, en rejetant le retour de
l’AP à Gaza, Nétanyahou s’inscrit dans la pensée magique, car, d’une part, la
grande majorité des Israéliens ne souhaitent pas réoccuper Gaza, et, d’autre
part, aucun gouvernement arabe ne prendra le risque d’envoyer ses soldats
occuper la zone en arrivant a fortiori dans les fourgons de Tsahal, l’armée
israélienne ! Donc, qui ira ?
Z. M.: Il y a trois objectifs israéliens dans cette guerre. Les deux premiers
sont annoncés par le gouvernement Nétanyahou – anéantir le Hamas et libérer les
otages. Le Hamas est certes affaibli, mais loin d’être anéanti. Quant aux
otages, la seule libération importante qui a eu lieu jusqu’à présent a été
négociée dans le cadre d’une trêve et d’un échange de « prisonniers ». Le
troisième objectif israélien, non annoncé par le gouvernement mais par
plusieurs responsables et surtout exécuté par l’armée, est la destruction des
conditions de vie à Gaza (espaces urbains, habitats, infrastructures, sources d’eau,
champs agricoles, hôpitaux, écoles, universités, etc.), afin que la zone ne
soit plus habitable, poussant ainsi à moyen terme le plus grand nombre possible
de Palestiniens à partir. Cela s’inscrit dans une stratégie israélienne de changement
démographique en Palestine. Car, en parallèle, la politique de colonisation en
Cisjordanie et à Jérusalem-Est occupés s’intensifie depuis des années, et les
confiscations de terres et attaques des colons épaulés par l’armée contre les
personnes et les biens deviennent un quotidien. L’objectif étant, là aussi, de
morceler le territoire, d’imposer plus de colons et donc de modifier l’espace
et sa démographie.
Entretien de Ziad Majed sur BLAST, le souffle de l'info
Interview de Ziad Majed sur TV5 Monde
À Gaza, les frappes israéliennes mortelles restent quotidiennes, sans espoir concret de trêve ni de solution politique. Le bilan humain est sans doute largement sous-estimé. Ziad Majed et Amélie Férey sont les invités d’ "À l’air libre" de Médiapart.
"… Et il y a des morts qui éclairent la nuit des papillons, qui arrivent à l’aube pour prendre le thé avec vous, calmes tels que vos fusils les abandonnèrent. Laissez donc, ô invités du lieu, quelques sièges libres pour les hôtes, qu’ils vous donnent lecture des conditions de la paix avec les défunts" - Mahmoud Darwish, 1992.
C'est par des extraits de ce poème épique qu'Elias Sanbar, écrivain, traducteur, fondateur de la Revue d'études palestiniennes en français et ancien ambassadeur de Palestine auprès de l'UNESCO, conclut son tract intitulé «La dernière guerre?», publié en avril 2024 chez Gallimard à Paris.
Le tract de Sanbar est un essai lumineux de 45 pages qui analyse la guerre à Gaza depuis le 7 octobre 2023, la contextualise, l'inscrit dans le temps long de l’histoire palestinienne, et explique la stratégie du gouvernement israélien tant à Gaza qu'en Cisjordanie et à Jérusalem, où les attaques et les confiscations de terres par les colons et l'armée d'occupation se poursuivent et s'intensifient. Il montre comment cette guerre, contrairement à celle menant à la Nakba en 1948, est «génocidaire»: il ne s’agit pas cette fois de pousser les Palestiniens à l’exil, à la disparition de leur géographie, mais de les détruire, de les anéantir, de viser leur existence même et tout ce qui la rend possible.
L’attaque de l’Iran contre Israël dans la nuit du 13 au 14 avril est venue en réponse au bombardement de son consulat à Damas le 1er avril qui a fait 16 morts, dont des officiers des Gardiens de la révolution. Cette opération soulève plusieurs questions sur la stratégie de Téhéran et de ses alliés dans la région, mais aussi de la Jordanie, ainsi que sur le degré d’autonomie d’Israël par rapport au parapluie américain.
Chaque
jour depuis six mois, environ 200 enfants, femmes et hommes palestiniens (en
moyenne) sont tués par l'armée israélienne à Gaza.
Chaque jour depuis six mois, des maisons, des écoles, des hôpitaux, des ambulances, des universités, des usines, des boulangeries, des magasins, des marchés et des terres agricoles sont bombardés, brûlés ou pillés.
La mort plane sur Gaza comme un nuage sombre, comme un monstre légendaire. Nous la regardons, nous vivons avec elle, nous recevons sur nos écrans les images et les cris de ses victimes. Les atrocités, l'agonie et les larmes deviennent des notifications sur nos réseaux sociaux et des nouvelles que nous regardons en buvant un café, en travaillant, en faisant nos courses ou en attendant le beau temps.
C'est comme si nous nous étions habitués à assister en direct à un génocide à quelques heures de chez nous. Comme si ce que nous voyons était annoncé, un déjà-vu. Et même si nous en sommes conscients et accablés, tout ce que nous pouvons parfois faire c’est de retarder le démarrage de nos ordinateurs ou d'éteindre nos téléphones portables, pour interrompre la diffusion des massacres en cours.
Every day for the past six months,
an average of 200 Palestinian men, women and children have been killed by the
Israeli army in Gaza.
Every day for the past six months, homes, schools, hospitals, ambulances, universities, factories, bakeries, shops, markets and farmland have been bombed, burned or looted.
Death hangs over Gaza like a dark cloud, like a legendary monster. We see it, we live with it, we receive on our screens the images and the cries of its victims. The atrocities, the agony and the tears become notifications on our social networks and news that we watch while drinking coffee, working, shopping or waiting for good weather.
It's as if we've become accustomed to witnessing live genocide just a few hours from home. It's as if what we're seeing is a foretaste, a déjà vu. And even though we're aware of it and overwhelmed by it, sometimes all we can do is delay starting our computers or turn off our cell phones to interrupt the broadcast of the massacres in progress.
Le film Zone d'intérêt du réalisateur britannique Jonathan Glazer, lauréat de l'Oscar de cette année, a suscité une vive controverse parmi les écrivains et les professionnels de la culture et du cinéma en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Non en raison de son contenu, de sa cinématographie ou de la construction de ses personnages, mais à cause des propos tenus par son réalisateur dans son discours à la cérémonie des Oscars.
Glazer a déclaré que la compréhension de son
film ne se réduit pas seulement au traitement du passé ou des atrocités
historiques, mais s’inscrit aussi dans le contexte de ce qui se passe à Gaza
aujourd'hui. Il a exprimé son rejet de l’instrumentalisation de l' « Holocauste
» pour justifier les guerres en cours, la déshumanisation et la perpétration de
crimes.
En réponse à son discours, plus d'un millier de
personnalités du cinéma s'identifiant comme juives ont rejeté l’analogie qu'il
aurait – selon elles - faite entre l'Holocauste et la guerre en Palestine
depuis le 7 octobre 2023.
Par ailleurs, des intellectuels et des
organisations juives progressistes ont défendu Glazer, estimant que le refus de
confronter le passé au présent et la confiscation de la mémoire de l'«
Holocauste » ne sont rien d'autre que des tentatives de dissimulation des
crimes et de la « guerre génocidaire » menée par Israël contre les
Palestiniens.
Naomi Klein, journaliste et universitaire féministe canadienne, a écrit un article percutant dans The Guardian dans lequel elle évoque l'habituation des gens à vivre près du génocide dont ils savent qu’il est en train de se produire. Comme le montre le film, seul un mur les sépare de son horreur. Elle interpelle sur le fait qu’aujourd'hui, nous soyons à quelques murs de Gaza, où des actes de génocide se produisent depuis près de six mois, sans que personne n'intervienne pour les faire cesser.
The film "Zone of Interest" by the British director Jonathan Glazer, winner of this year's Oscar, has caused considerable controversy among writers and professionals in the fields of culture and cinema in Britain and America. Not because of its content, cinematography, or character construction, but because of what its director said when he received the Oscar.
Glazer (who is Jewish by birth) stated that the understanding of his film is not only achieved by dealing with the past or historical atrocities, but also by viewing it in the context of what is happening in Gaza today. He expressed his rejection of the use of the "Holocaust" to justify ongoing wars, dehumanization, and the perpetration of crimes.
In response, more
than a thousand cinema personalities who identified themselves as Jewish
rejected the comparison they said he made between the Nazi Holocaust and the
war in Palestine since October 7, 2023.
On the other hand, intellectuals and progressive Jewish organizations defended Glazer, arguing that the refusal to confront the past with the present and the attempt to confiscate the memory of the "Holocaust" are nothing but attempts to hide the crimes and the "genocidal war" waged by Israel against the Palestinians.
Naomi Klein, the Canadian feminist journalist and academic, wrote a powerful article in The Guardian in which she compared people's habit of living close to the genocide they know is happening (separated from its horror by a wall), as depicted in the film, with our lives today, just a few walls away from Gaza, where acts of genocide have been occurring for almost six months now, yet no one has intervened to stop them.
A vision of horror emerges from this photograph.
Taken by Tsafrir Abayov on February 19, 2024, it shows a group of female Israeli soldiers taking a selfie in front of the macabre rubble of a pulverized neighborhood in the Gaza Strip.
On his Instagram page, the photographer didn't specify the exact location of the shot. But thanks to his “neutral” presentation of this extraordinarily violent image, we know it came from northern Gaza. He hashtagged it, used Israeli military terminology, referred to the "gendered" identity of military personnel, and, of course, specified his camera type, lens size, and sensitivity level.
The absence of a location on this photo, and on another equally gruesome series that followed in the same photographer's album, is likely related to Israeli army censorship orders. It may also be due to negligence on his part. Finally, it may be that the scale of destruction in Gaza is such that taking a selfie in front of the ruins of its cities and refugee camps has the same connotation and meaning: "We photograph and smile for the lens, revealing what we have done to the places and houses. All that remains are the ghosts of those who disappeared after a massacre or deportation”.
De cette photographie se dégage une vision d’horreur.
Prise le 19 février 2024 par Tsafrir Abayov, elle capture un groupe de soldates israéliennes prenant un selfie devant les décombres macabres d'un quartier pulvérisé dans la bande de Gaza.
Sur sa page Instagram, le photographe n'a pas précisé le lieu exact de la prise. Mais nous savons, grâce à la présentation froide qu’il fait de cette image extraordinairement violente, qu'elle provient du nord de Gaza. Il l'a hashtaguée, utilisé la terminologie militaire israélienne, fait référence à l'identité «genrée» du personnel militaire et, bien sûr, spécifié son type d'appareil photo, la taille de l'objectif et le niveau de sensibilité.
L'absence de localisation sur cette photo, et sur une autre série tout aussi horrible qui a suivi dans l'album du même photographe, est probablement liée aux ordres de censure de l'armée israélienne. Il peut s'agir également d'un oubli ou d'une négligence de sa part. Il se peut enfin que l’étendue de la destruction de la bande de Gaza soit telle que la prise d’un selfie devant n’importe quelle ruine de ses villes et de ses camps de réfugiés ait la même connotation et la même signification: «Nous photographions et sourions pour l'objectif, tout en dévoilant ce que nous avons fait des lieux et des maisons. Il ne reste derrière nous que les fantômes de ceux qui ont disparu à la suite d'un massacre ou d'une déportation».
Ziad Majed, politiste et écrivain libanais, intellectuel de gauche et fin connaisseur du dossier palestinien, est professeur universitaire à Paris. Il partage aujourd'hui avec Le Matin d'Algérie ses réflexions sur Gaza et la Palestine, mettant l'accent sur l'universalité du droit international, un sujet qu'il a largement développé dans ses écrits et ses interventions politiques.
Le Matin d’Algérie: Pour commencer, pouvez-vous définir la notion d’«impunité» dans le contexte des sciences politiques?
Ziad Majed: L'impunité des gouvernements et des États peut être définie comme le
phénomène par lequel des dirigeants politiques ou des entités étatiques
échappent à toute forme de sanction ou de responsabilité juridique pour leurs
actions, lorsqu'elles sont contraires aux lois et au droit.
Les gouvernements ou les États peuvent bénéficier de l'impunité pour diverses raisons, notamment le contrôle qu'ils exercent sur les institutions judiciaires, l'influence qu'ils exercent sur les médias ou la protection par des puissances étrangères qui limitent les possibilités de poursuites juridiques internationales. L'impunité peut ainsi conduire à des violations des droits humains, à des abus de pouvoir, à la corruption et à de nombreux autres actes répréhensibles sans que les auteurs ne soient tenus de rendre des comptes.
En ce sens, l’impunité caractérise les régimes despotiques ou ceux où les élites sont au-dessus de la loi. Elle instaure une culture politique où tout est permis pour les privilégiés à condition qu’ils soient proches du pouvoir.
Dans les relations internationales, elle permet la violation sans crainte des droits humains, du droit international humanitaire et des conventions signées par la plupart des pays pour établir des mécanismes de punition des contrevenants.
Mesdames, Messieurs, chères Khozama et Nisreen,
Chers camarades,
Qu'est-ce qui fait que nous soyions aujourd'hui, Syriens, Palestiniens, Libanais et Français, réunis pour honorer un nonagénaire parti il y a quarante jours ?
Est-ce le respect que nous portons à sa vie et à son
combat légendaire pour la liberté, cette cause qu'il a refusé de concéder ni de
compromettre sur son droit à l’arracher
?
Est-ce la ténacité extraordinaire et le courage qui ont
caractérisé son quotidien en prison et hors de prison, alors qu'il vivait la
torture, l'oppression et la tyrannie dans sa chair ?
Est-ce notre amour commun pour nos pays déchirés, dont
les peuples vivent, à Homs, Daraya, Daraa, Alep, Gaza, Khan Younis, Jenin,
Sanaa, Bagdad et Beyrouth un rare niveau de cruauté ?
Est-ce l'espoir toujours nourri par notre grand défunt,
même dans les moments les plus sombres, que la Syrie ne resterait pas le
royaume du silence
?
Ou est-ce cette vulnérabilité si humaine qui
transparait malgré une volonté de fer, qui réfléchit en miroir l’image de nos
pères, nous donnant à voir leur force, leurs hésitations, leur tendresse, leurs
maladresses et finalement leurs corps ployant sans jamais fléchir sous le poids
des années et des horreurs
?
Nous sommes ici, me semble-t-il pour toutes ces raisons à la fois. Riad al-Turk nous a tous et toutes marqués, quelle que soit notre proximité personnelle avec lui.
Since October 8,
2023, we have been witnessing the deadliest and most brutal war ever documented
and broadcast live. In 15 weeks, more than 30,000 Palestinians have been killed
by the Israeli army (60% of them children and women), and more than 80% of the
population of 2.2 million Gazans, besieged on 360 km2 and already victims of 4
wars and a long blockade (since 2007), have been displaced and crammed into the
southern part of the devastated territory[1].
The figures, reports, videos and testimonies published and regularly updated by the various UN agencies, humanitarian and human rights organizations, as well as by the brave Palestinian journalists and photographers on the ground, show us the suffering, the famine, the destruction of homes and infrastructure, the cuts in water, fuel and electricity, the inhuman sanitary conditions and the ordeal of the sick, the wounded, the amputees, treated with makeshift means and operated on without anesthesia.
Nous vivons depuis le 8 octobre 2023 la guerre la plus meurtrière et la plus brutale jamais documentée et transmise en direct. En 15 semaines, plus de 30.000 palestiniens ont été tués par l’armée israélienne (60% des enfants et des femmes), et plus de 80% de la population de 2,2 millions de gazaouis assiégée dans 360 km2, déjà victime de 4 guerres et d’un long blocus (depuis 2007) se trouve déplacée, et entassée dans la partie sud du secteur dévasté[1].
Les chiffres, récits, vidéos et témoignages publiés et mis à jour régulièrement par les différentes agences onusiennes, les organisations humanitaires et des droits humains de même que par les braves journalistes et photographes palestiniens sur place, nous montrent la souffrance, la famine, les destructions des habitations et infrastructures, les coupures d’eau, de carburant et d’électricité, les conditions sanitaires inhumaines et le calvaire des malades, blessés, amputés, traités avec des moyens de fortune et opérés sans anesthésie.
Pendant ce temps, en occident, les gouvernements et une majorité de chaines de télévision, ont décrété que cette tragédie était un dommage collatéral d’une guerre «de légitime défense» qu’Israël mène à la suite des attaques meurtrières du Hamas le 7 octobre.