Qui sont les
soutiens au régime Assad, et quels sont les intérêts qu’ils cherchent à
préserver ?
Au
niveau interne
Une
base communautaire : la communauté alaouite, dont est issu Bachar al-Assad
constitue 11 à 12% de la population en Syrie.
Le régime bénéficie du soutien de la majorité de cette communauté dont
des membres occupent depuis 1970 (lors de la prise de pouvoir par son père
Hafez) les postes clefs dans l’armée, la garde républicaine, les services de
renseignements et le parti Baath.
Le régime a
réussi pendant ses 41 années de dictature à convaincre une grande partie de la communauté
du destin collectif qui l’unifie au clan Assad.
Une
base militaro-sécuritaire : formée de centaines de
milliers de membres (dont les grands responsables sont fidèles au clan familial),
elle constitue une redoutable machine à tuer qui a fait depuis mars 2011 près
de 2800 victimes et a blessé, arrêté et torturé des dizaines de milliers de
manifestants. La garde républicaine et la quatrième division de l’armée (la
mieux équipée) dirigées par Maher, le frère cadet du président, de même que les
services de renseignements (dirigés par des proches dont deux cousins) et la
milice des « chabiha » (les voyous du régime) constituent la
colonne vertébrale de cette base.
Une base
mercantiliste-affairiste : qualifiée de « complexe
militaro-mercantile » et présente surtout à Damas et à Alep. Elle se
compose de certains industriels et commerçants qui se sont ralliés au pouvoir
depuis l’ère Assad père, de « la bourgeoisie d’Etat » formée de
responsables dans l’énorme secteur public, et des nouvelles classes (les
nouveaux riches) dont les membres se sont enrichis par les contrats, les pots
de vins et les trafics couverts par les officiers. Ces classes, ont
considérablement contribué à l’élargissement de la base sociale du régime par
le passé et craignent son effondrement aujourd’hui.
Un
réseau religieux : rassemblant des imams musulmans (dont le Mufti de la
république) et des leaders spirituels chrétiens (dont le patriarche Grec Orthodoxe)
qui tentent d’éloigner leurs fidèles de la contestation. Si les premiers
échouent lamentablement, les derniers
arrivent à alimenter les craintes que le régime veut propager, en évoquant
tantôt la situation en Iraq (comme alternative au despotisme des Assad), tantôt
la question de la « protection des minorités » que le régime a
souvent prétendu assurer.
Au
niveau externe
En dépit des
positions de plus en plus fermes des pays occidentaux et contre les majorités des opinions publiques
arabes solidaires de la révolution syrienne, certains pays et forces politiques
continuent à fournir au régime syrien un soutien indéfectible. Les plus
influents étant :
La Russie : Le
régime de Damas est le seul allié stratégique de Moscou dans le moyen orient. En
plus de l’existence de nombreux contrats d’armement et de coopération
militaro-sécuritaire, il accueille la seule base navale russe dans la
méditerranée (à Tartous).
La Chine :
Au-delà du fait que la
Chine s’oppose en général à toute intervention internationale dans ce qu’elle estime
être des « questions souverainistes », Beijing considère le régime
syrien comme un allié essentiel. Il est un importateur conséquent de produits
chinois et les deux régimes partagent une vision du politique où la démocratie
n’a pas sa place, y compris dans les rhétoriques de propagande.
L’Iran :
La Syrie est le seul état arabe allié officiellement à la République Islamique
(et ce depuis 1979). Cette alliance offre à Téhéran un accès stratégique à la méditerranée,
et à Damas un soutien financier et du matériel technologique d’une grande
sophistication (notamment pour le contrôle des moyens de communication et des
réseaux virtuels). L’Iran entend par cette alliance et celle qu’elle construit
progressivement avec l’Irak créer un axe d’influence doté d’une profondeur
stratégique de poids dans la région. Par ailleurs, le régime syrien « protège »
par procuration le Hezbollah libanais et lui sert de passerelle pour l’acheminement
des armes et du ravitaillement militaire en provenance d’Iran. En échange de
bons et loyaux services, le Hezbollah soutient le régime et s’assure de la
persistance d’une partie de son influence sur la scène politique libanaise.
Damas profite
également en creux des hésitations de certains gouvernements arabes hostiles à
la démocratisation dans la région et des inquiétudes d’Israël exprimées dans la
presse à plusieurs reprises. Selon cette dernière, Israël préfèrerait avoir
affaire à un ennemi connu (et qui
maintient le calme sur le front du Golan occupé depuis 1974) qu’au
« chaos » ou à « l’inconnu ».
… Pendant ce
temps, la révolution du peuple syrien se poursuit. Le régime semble, malgré le
soutien et les complicités évoquées, jouer sa survie dans une course effrénée
contre la montre. Il redouble de férocité dans la répression des manifestants.
Il a d’autant
plus de raisons de s’inquiéter qu’il sait que la grande majorité de la
population exige son départ inconditionnel et ne plie pas malgré tous ses
crimes. Entre outre, il a bien conscience que les mesures prises par l’Union
Européenne (qui lui achète près de 95% de son pétrole) et les sanctions américaines
et européennes annoncées à l’encontre de son entourage sont des facteurs de
fragilisation.
L’opposition quant
à elle (surtout au niveau des comités et
unions mobilisés dans la rue) reste
déterminée à en finir avec plus de quatre décennies de despotisme et de
barbarie. Elle montre à travers les réseaux virtuels dont elle dispose tout
l’aspect déshumanisant et dégradant des pratiques du régime. Elle montre aussi
le potentiel d’un peuple courageux et prêt à faire face à tous les défis, pour
vivre en dignité et en liberté…