L’Egypte
et la Syrie connaissent ces derniers jours des développements politiques
importants puisque la rue égyptienne est réinvestie par des centaines de
milliers de citoyens en signe de protestation contre les manœuvres du président
Morsi pour renforcer ses prérogatives, tandis qu’en Syrie, les révolutionnaires
armés progressent sur plusieurs fronts et sont de plus en plus proches du cœur
de la capitale Damas malgré tous les raids aériens du régime et les
« hésitations » de la communauté internationale. Nadia
Aissaoui et Ziad Majed pour Mediapart.fr
A la lumière de ces
développements, plusieurs observations sont à noter sur ce qui désormais semble
irrévocable depuis 2011.
1- Réappropriation de l’Espace Public et Libération de l’expression
L’investissement massif de la rue dans les pays arabes qui ont connu les révolutions a construit une nouvelle relation à l’espace comme lieu de socialisation et d’expression politique. La renaissance de la « Cité » marque un retour à la politique en tant qu’action et choix se faisant dans le temps et dans l’espace jadis confisqués par les régimes despotiques et leurs services de renseignements.
La chute du mur de la peur a libéré l’espace mais aussi la parole. En plus de la possibilité de se rencontrer physiquement, l’espace virtuel à travers les réseaux sociaux dans lesquels s’organise le discours, se créent des liens et prend forme l’action, fait partie des coulisses où se prépare la représentation « réelle » dans la rue. L’explosion de la créativité artistique a été visible, les graffitis du Caire en sont une belle démonstration.
1- Réappropriation de l’Espace Public et Libération de l’expression
L’investissement massif de la rue dans les pays arabes qui ont connu les révolutions a construit une nouvelle relation à l’espace comme lieu de socialisation et d’expression politique. La renaissance de la « Cité » marque un retour à la politique en tant qu’action et choix se faisant dans le temps et dans l’espace jadis confisqués par les régimes despotiques et leurs services de renseignements.
La chute du mur de la peur a libéré l’espace mais aussi la parole. En plus de la possibilité de se rencontrer physiquement, l’espace virtuel à travers les réseaux sociaux dans lesquels s’organise le discours, se créent des liens et prend forme l’action, fait partie des coulisses où se prépare la représentation « réelle » dans la rue. L’explosion de la créativité artistique a été visible, les graffitis du Caire en sont une belle démonstration.
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Au niveau des médias, de nombreux articles de presse évoquent tous les sujets souvent sans censure, et plus important encore, sans auto-censure. Beaucoup de tabous sont tombés, et en l’espace de deux ans seulement, les sujets longtemps prohibés deviennent au cœur de l’actualité (rôle politique des militaires, indépendance du système judiciaire, cause des femmes, la religion et sa place dans le Politique, etc…).
2- Islam politique et pouvoir
Avec
une année de recul, plusieurs chercheurs et journalistes arabes commencent déjà
à dresser les bilans des nouveaux pouvoirs en place en Egypte (et en Tunisie).
Ils constatent que même si les nouvelles élites politiques de la majorité islamiste (issue de la mouvance des frères musulmans) bénéficient toujours d’un soutien populaire assez important, elles commencent cependant à clairement se heurter à l’impatience et l’agacement de nombreux citoyens et citoyennes. La période de clémence accordée aux islamistes dans leurs premières expériences au pouvoir depuis la création de leurs mouvements semble toucher à sa fin. Si l’impatience se fait ressentir en raison de l’absence d’améliorations des conditions de vie économiques des électeurs, l’agacement est surtout l’expression d’un refus catégorique de voir des pratiques despotiques ou des tentatives de concentrer le pouvoir ou de dépasser les accords et compromis nationaux se reproduire, cette fois sous la bannière de l’Islam.
Ils constatent que même si les nouvelles élites politiques de la majorité islamiste (issue de la mouvance des frères musulmans) bénéficient toujours d’un soutien populaire assez important, elles commencent cependant à clairement se heurter à l’impatience et l’agacement de nombreux citoyens et citoyennes. La période de clémence accordée aux islamistes dans leurs premières expériences au pouvoir depuis la création de leurs mouvements semble toucher à sa fin. Si l’impatience se fait ressentir en raison de l’absence d’améliorations des conditions de vie économiques des électeurs, l’agacement est surtout l’expression d’un refus catégorique de voir des pratiques despotiques ou des tentatives de concentrer le pouvoir ou de dépasser les accords et compromis nationaux se reproduire, cette fois sous la bannière de l’Islam.
Femmes voilées dans la mobilisation contre le président Morsi et la politiques des frères musulmans au Caire, jeudi 29 novembre 2012 |
Le
gouvernement au Caire (comme son homologue à Tunis) expérimente douloureusement
l’apprentissage de la politique et du pragmatisme, même s’il peut toujours
compter sur les puissants réseaux des frères et de certaines formations
salafistes (soutenant le projet de constitution qu’il souhaite valider par
référendum avant la fin de l’année 2012). Les déclarations arrogantes, les
passe-droits, ou les tentatives de violer la loi pour accélérer les processus
de transition en faveurs d’intérêts partisans provoquent immédiatement une
large mobilisation dans la rue de personnes qui ont découvert la puissance de
leur parole et de leur action et qui refusent désormais de se laisser faire. La
place Tahrir est la meilleure illustration de ce retour citoyen, et du rejet de
toute tendance hégémonique, y compris celle qui se dit irréprochable, pieuse et
qui puise dans le capital symbolique du « Sacré ».
3-
La fin du despotisme
Par
ailleurs, l’évolution de la situation en Syrie montre à quel point la
révolution est déterminée à tourner la page de 42 ans de dictature. Les
journées de vendredi continuent à témoigner de la très forte mobilisation
populaire et des manifestations à travers le pays malgré les bombardements. La
détermination inentamée et le sens de l’humour visibles dans les slogans sont
identiques à celles qui caractérisaient le tout début de la révolution il y a
21 mois.
Bannière de Deir Ezzor: «Ce qui se passe en Syrie n’est pas une crise.
C’est en fait le dénouement d’une crise qui dure depuis 42 ans» |
Les combats armés montrent également - malgré toute la puissance de feu du régime et les dizaines de raids aériens quotidiens – un acharnement exceptionnel à poursuivre la lutte et la mener jusqu’au bout.
Au
nord comme à l’est, au centre comme au sud, depuis plusieurs semaines dans des
quartiers sud et Nord-Est de la capitale, et durant les dernières 48 heures
autour de l’aéroport international de Damas, les combattants des différentes
brigades et formations de l’opposition et l’armée libre avancent et créent pour
la première fois une continuité territoriale entre certaines zones qu’ils
considèrent libérées. C’est le cas dans la région de Deir Ezzour (et autour
d’Alboukamal du côté de la frontière iraquienne), entre les Rif d’Idlib et
d’Alep (zone rurales menant vers les deux villes au nord) de même qu’entre ses
Rif et les frontières turques, dans le nord de Raqqa (à la frontière aussi) et
entre les deux Ghoutas Est et Sud autour de Damas.
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Des
dépôts d’armes tombent entre les mains des révolutionnaires suite à la prise de
centres et de positions militaires de l’armée du régime. Ce qui apporte une
relative compensation au faible armement qui passe par les frontières turques.
Cette
évolution de la situation prouve une fois de plus que les syriens ne comptent
que sur eux-mêmes pour arrêter les massacres commis par le régime, pendant que
la communauté internationale toujours hésitante demande des garanties quant au
rôle des forces islamistes dans la révolution. Tout se passe comme si venir en
aide à une population martyrisée et faire chuter une dictature exigeait du
peuple syrien qu’il présente un « certificat de mérite » qui désavoue les
islamistes…
4- Damas, bataille finale ?
Depuis mercredi 28 novembre, les bombardements autour de Damas et les combats s’intensifient. Le régime tente en détruisant les quartiers périphériques d’empêcher tout accès au cœur de la capitale par les banlieues. Jeudi 29 novembre, tout le système internet et une bonne partie des réseaux téléphoniques ont été coupés (et ce jusqu’à samedi 1 décembre). Il semblerait que Damas se prépare à une bataille d’une violence dévastatrice.
Si l’été dernier, l’armée libre avait tenté une opération militaire à Damas et avait réussi à secouer la forteresse sécuritaire du régime sans pour autant l’occuper, l’opération cette fois vu l’encerclement de la ville de l’est et du sud et les manœuvres pour contrôler également l’accès nord risque d’être différente. Des milliers de combattants sont en passe d'y participer pour prendre la capitale ou du moins certains de ses quartiers (comme à Alep) et la/les défendre. Cela changerait toute la donne militaire et la configuration politique connue jusque-là. Un régime sans capitale ne sera plus en mesure de prétendre même vis-à-vis de ses alliés, la Russie et l’Iran, qu’il a encore une chance de survie. Les conséquences politiques peuvent être décisives dans la précipitation de la chute du régime.
Des destins liés
L’Egypte et la Syrie vivent une phase cruciale pour leur avenir. En Egypte, ce sont les rapports de force et la manière dont les frères musulmans vont gérer cette situation qui vont décider de la suite. Une chose est néanmoins claire : la révolution de 2011 a bel et bien tourné la page du despotisme, militaire soit-il, civil ou religieux. Les égyptiens ont envoyé un message clair par leurs manifestations, qui indique que quel que soit le pouvoir en place, il sera toujours contestable. Les islamistes à l'épreuve du pouvoir vont devoir faire preuve de compétence politique face aux défis auxquels ils sont confrontés sous le regard critique de ceux qui les ont élus ou opposé.
4- Damas, bataille finale ?
Depuis mercredi 28 novembre, les bombardements autour de Damas et les combats s’intensifient. Le régime tente en détruisant les quartiers périphériques d’empêcher tout accès au cœur de la capitale par les banlieues. Jeudi 29 novembre, tout le système internet et une bonne partie des réseaux téléphoniques ont été coupés (et ce jusqu’à samedi 1 décembre). Il semblerait que Damas se prépare à une bataille d’une violence dévastatrice.
Si l’été dernier, l’armée libre avait tenté une opération militaire à Damas et avait réussi à secouer la forteresse sécuritaire du régime sans pour autant l’occuper, l’opération cette fois vu l’encerclement de la ville de l’est et du sud et les manœuvres pour contrôler également l’accès nord risque d’être différente. Des milliers de combattants sont en passe d'y participer pour prendre la capitale ou du moins certains de ses quartiers (comme à Alep) et la/les défendre. Cela changerait toute la donne militaire et la configuration politique connue jusque-là. Un régime sans capitale ne sera plus en mesure de prétendre même vis-à-vis de ses alliés, la Russie et l’Iran, qu’il a encore une chance de survie. Les conséquences politiques peuvent être décisives dans la précipitation de la chute du régime.
Des destins liés
L’Egypte et la Syrie vivent une phase cruciale pour leur avenir. En Egypte, ce sont les rapports de force et la manière dont les frères musulmans vont gérer cette situation qui vont décider de la suite. Une chose est néanmoins claire : la révolution de 2011 a bel et bien tourné la page du despotisme, militaire soit-il, civil ou religieux. Les égyptiens ont envoyé un message clair par leurs manifestations, qui indique que quel que soit le pouvoir en place, il sera toujours contestable. Les islamistes à l'épreuve du pouvoir vont devoir faire preuve de compétence politique face aux défis auxquels ils sont confrontés sous le regard critique de ceux qui les ont élus ou opposé.
L’issue
de cette phase aura une influence sur le cours des évènements dans le reste de
la région, y compris en Syrie dont le regard est rivé sur l’Egypte.
En
effet, de nombreux intellectuels et militants de la révolution commencent déjà
à explorer les scénarios post-Assad et la manière dont les rapports se
construiront dans le nouveau champ politique entre laïques et islamistes. Il
s’agira de se servir des premières leçons tirées de la courte histoire
démocratique de l’après révolution de l’Egypte principalement et des autres
pays par la suite.