Le Hezbollah est confronté à un problème d’importance
depuis le début des révolutions arabes. Cela dépasse la perte du maillon syrien
qui lui permettait de s’approvisionner [par voie terrestre] auprès de l’Iran,
son principal fournisseur d’armes et bailleur de fonds. Cela dépasse également
le fait que les divisions de la société libanaise l’empêchent d’étendre son
influence au-delà de la communauté chiite et le réduit à n’être que le parti
majoritaire de cette communauté.
La véritable source du problème est que son
influence revient à son niveau « naturel ». Le Hezbollah avait fini
par croire que la bulle médiatique dont il faisait l’objet correspondait à sa
réalité. Entre les années 2000 et 2010, en l’absence de perspectives politiques
dans le monde arabe, il focalisait sur lui les regards de larges couches de la
population des pays de la région, grâce à son apparente différence par rapport
aux élites au pouvoir et grâce à son combat contre Israël.
Alors que les Arabes, à travers les
révolutions, ont réinvesti la politique, renoué avec les priorités et
redécouvert la complexité des choix à faire, le Hezbollah a réagi maladroitement
(naïvement) aux révolutions. Il a cru qu’il s’agissait de révoltes contre la
politique étrangère [proaméricaine] des régimes et non pas contre la tyrannie,
l’oppression et la corruption. Ensuite, il a soutenu telle révolution [Bahreïn]
mais pas telle autre [Syrie] selon des critères confessionnels. Cela a
considérablement terni son éclat.
Les discours à répétition de son secrétaire
général, Hassan Nasrallah, (contraires à sa politique habituelle du « parler
rare ») n’y ont rien changé. N’y a rien changé non plus le drone Ayoub [d’origine
iranienne que le Hezbollah a lancé au-dessus d’Israël au mois d’octobre 2012],
ni les menaces proférées contre l’état hébreux ou encore les insultes adressées
à l’Amérique.
Beaucoup d’illusions à son sujet se sont
envolées après qu’il a ouvertement exprimé son soutien au régime de Damas alors
que coule le sang de dizaines de milliers de citoyens et de révolutionnaires
syriens. De même, le fait que le Hamas avait traité la récente guerre dans la
bande de Gaza [novembre 2012] d’affaire « interne » des Palestiniens –
dont l’arrêt a été coordonné avec des pays arabes [tel l’Egypte] au lieu de l’être
avec le Hezbollah, Damas et Téhéran – l’a exclu d’une équation dont il avait
toujours prétendu être un acteur de premier ordre. Le parti a beau rappeler qu’il
avait fait parvenir des armes à Gaza à travers le Sinaï égyptien, c’est peine
perdue : il a épuisé le crédit dont il disposait auparavant.
Ainsi, le Hezbollah est revenu au cours des
deux dernières années à la dure réalité : il est un acteur dont l’action s’inscrit
dans un des plus petits pays de la région. Sa prétention à être le tuteur des
peuples arabes paraît ridicule quand on se rappelle que son public libanais est
moins nombreux que les habitants de la ville de Homs, en Syrie, que les
manifestants de la place Tahrir, en Egypte, ou que les travailleurs que peuvent
mobiliser les syndicats tunisiens.
Ses missiles de fabrication iranienne ne
suffisent pas à redresser la situation, ni ses dénonciations de complots, ni
ses rodomontades contre Israël. Ceux qui ont repris en main la vie politique
dans leur propre pays ne sont plus sensibles à une politique par procuration de
la Palestine. Cette dernière est devenue « une cause en soi »,
et l’évoquer dans le seul but d’imposer le silence et de justifier les
massacres ne permet plus de faire taire ceux qui ont soif de liberté…
Ziad Majed
Texte original en Arabe, publié dans Now
Lebanon, à lire ici.